Verghia

Un tournant dans mon approche de la composition s’est opéré au tout début des années 80, assez précisément à partir de Verghia (1980), pour flûte, hautbois, clarinette, basson, trompette, trombone, et cor, et de Seul (1981) pour piano.

Pour les partitions en notation traditionnelle, j’ai beaucoup travaillé sur des combinatoires, ce qui me permettait de découvrir, à partir de mes matériaux de base, des potentialités que je n’aurais pu soupçonner par ma seule intuition. Parfois aussi, ces opérations se sont avérées trop astreignantes, et ce qui en résultait n’était pas à la mesure de la complexité que je pensais avoir mis en œuvre. Je me suis donc décidé à tester, d’oreille, ce que pouvaient donner ces contraintes compositionnelles. Pendant plus d’une dizaine d’années, disons entre 1970 et 1981, j’ai composé « à la table » et avait donc tendance à trop me soucier des procédures proprement dites, dans l’abstrait. Cela était d’autant plus paradoxal que mes compétences dans les domaines mathématiques ou scientifiques sont des plus restreintes, et que je n’ai jamais estimé nécessaire que la logique musicale doive chercher à se justifier par rapport à eux. Je me suis dit qu’il était temps que je fasse davantage confiance en mes instincts et que, sans pour autant me replier sur ma seule subjectivité, j’explore les gestes compositionnels qui me sont personnels.

Cela correspondait aussi à une période où nous avions décidé, mon ex-femme et moi, de nous installer en Corse (pour ma part, à mi-temps), d’où sa famille est originaire. Nous habitions dans un petit hameau situé dans le golfe d’Ajaccio, Verghia (cf . le titre de la pièce citée précédemment) et, pour moi, cela répondait au besoin de m’éloigner, au moins partiellement, de l’agitation culturelle parisienne, qui m’apparaissait de plus en plus artificielle.