Alain Galliari sur Messe

dans Diapason, mars 1998 :

« Un beau défi, – et une franche réussite : telle paraît la Messe de J-Y bosseur. Dès l’Introït. Combien sont-ils, ces musiciens d’aujourd’hui qui osent encore écrire une messe ?… Outre de le faire, J-Y Bosseur a aussi voulu que sa partition (composée en 1994) puisse s’inscrire dans le temps de l’office liturgique. Le « titre » de l’oeuvre n’est donc pas un vain mot : sous la musique, et par elle, il s’agit bien de servir le rituel et non de s’en servir. Goûtons cette démarche dont l’humilité vraie (pas si fréquente qu’elle ne vaille d’être soulignée) constitue sans doute la clef de la réussite. A l’instar de tant d’illustres prédécesseurs, la Messe de Bosseur déroule dans une belle continuité d’invention et une grande tenue musicale la succession des différents moments de la liturgie (Psaume, Kyrie, Gloria, Credo, Agnus Dei…), entrecoupés ici et là de courts – et magnifiques – interludes instrumentaux. Où latin et français se superposent et s’entremêlent, et où s’entrecroisent et s’éclairent aussi, avec une habileté qui n’est pas seulement technique, quelques uns de ces mondes sonores qui ont marqué la musique liturgique chrétienne : psalmodie grégorienne, harmonie médiévale, polyphonie de la Renaissance, couleurs sonores baroques…Sans artifice ni pose esthético-ludique, mais dans une grande vérité de ton, unifiée et vivifiée par une écriture qui ne perd rien de son actualité et qui, tour à tour, mais en marchant toujours dans le même sens, incline à la modalité, à la tonalité ou au chromatisme. Ainsi l’oeuvre prend-elle volontiers l’allure d’un hommage rendu à l’histoire de la musique (occidentale) dans son entier, et à ce qu’elle doit à ses fondements religieux, dont elle respecte une certaine couleur sonore, pour mieux l’enrichir. Cinq voix solistes masculines (du haute-contre à la basse), un choeur mixte et un petit groupe instrumental mêlant sonorités d’hier (viole, orgue) et d’aujourd’hui (clarinette, contrebasse) donnent à l’oeuvre une palette à la fois simple et singulière, dont J-Y Bosseur sait tirer à la fois toute l’efficacité et tout le raffinement. Loin des niaises sucreries post-planantes que nous servent régulièrement quelques gourous du jour, J-Y Bosseur nous offre une actualisation aussi vivante que sensible de l’art musical liturgique, qui bruisse sous ses doigts d’une spiritualité qui est celle des siècles. Les couleurs franches en sont en outre ici défendues par des interprètes vraiment magnifiques. »