dans Écouter Voir, octobre 1998 :
« Avec douze tableaux calligraphiés de Roger Druet, un texte de Michel Butor et une composition pour quatuor à cordes de J-Y Bosseur, l’oeuvre nous invite à une exploration du moment et du lieu d’un concert. Dans l’intervalle qui se déroule entre l’arrivée des spectateurs dans la salle et leur départ, d’innombrables micro-événements sont cliniquement décortiqués par M. Butor : chacun, musicien ou spectateur, se livre au rituel des préparatifs; puis « l’arène sombre » devient source de rêves, d’égarements, de transports, et à la fin du concert; le spectateur devra retrouver la rue, identique, mais dans une « nuit transfigurée » par le moment qu’il vient de vivre. Alors que le début du texte nous semble une simple description, presque badine, avec ce ton exquis de M. Butor, nous nous laissons au fur et à mesure emporter jusqu’à un final vertigineux. Mais revenons à la conception de l’histoire : d’abord, les calligraphies, une série cohérente, où l’écriture non verbale s’inscrit sur des couleurs chatoyantes et forme sa propre perspective. Puis le texte, poésie, cheminement qui va comme les lignes de la calligraphie, nous emmener loin. Enfin, à partir de ces éléments, le compositeur écrit. Le quatuor entre doucement dans le texte, puis le heurte, puis dialogue avec lui. En parallèle ou en réponse au texte, il est souvent plus inquiétant que la parole déjà incisive. Sans « coller » aux mots, il les répercute avec une distanciation due en partie au décalage de l’instrumentation choisie : alors que le texte parle de harpe, de piano, de percussions, le quatuor à cordes est ici comme l’expression de la quintessence de la musique.[…] Voilà donc un disque à écouter sur votre lit : lit transformé en barque pour un voyage qui vous mènera d’un fauteuil de salle de concert au lieu où vous seul pourrez parvenir. »