Croisées (2004)

avec Augusta de Schucani

Associer notations musicales et interventions plastiques pour concevoir un livre d’artiste ne présente aucun caractère d’évidence, si l’on souhaite ne pas en rester à une simple juxtaposition d’éléments répondant à des logiques d’organisation fondamentalement différentes ; de plus, celui qui feuillette l’ouvrage n’est pas nécessairement familier avec la codification de la musique. Nous avons pourtant décider d’outrepasser ces apparentes difficultés et nous sommes engagés dans une stratégie d’échange. Augusta m’a proposé un premier ensemble de pages en me réservant des espaces où je pourrais inscrire mes notations. Il était bien sûr hors de question pour moi d’obéir à de quelconques principes de parallélisme entre nos deux champs d’expression. Mais il me fallait toutefois inventer des manières de réponse aux suggestions visuelles, notamment lorsqu’une partition se trouvait en regard de celles-ci; et, comme chaque livre est unique, les remodeler autant de fois, tout en gardant certaines caractéristiques en commun, afin de doter le projet d’une identité spécifique.
Lorsqu’elles ne sont pas confrontées à un espace plastique, les doubles pages musicales constituent des sortes d’intermèdes autonomes destinées à un petit groupe d’instrumentistes d’effectif variable. Scénarios traversés de mots, processus en voie de formation plutôt qu’œuvres dûment fixées, ce sont là des musiques à imaginer, laissées en grande partie ouvertes… Il était en effet important pour moi de suggérer, dans un espace relativement restreint, un événement musical extensible, susceptible d’échapper aux critères de détermination note à note de l’écriture traditionnelle.