Concert (93/94)

Quatuor à cordes + lecteur (texte de Michel Butor) (40′)
Quatuor Cavalieri, Centre des Musiques arabes et méditerranéennes, Sidi Bou Saïd, 22 avril 1997

pour Concert, plusieurs éléments sont peu à peu entrés en interaction pour me livrer les indices de « scénarios » musicaux destinés à se concrétiser sous la forme d’une suite de séquences composées pour quatuor à cordes. Le choix d’une telle couleur instrumentale avait déjà constitué une première étape de notre démarche commune. Conjointement, les planches graphiques de R. Druet et les textes de M. Butor m’apportèrent un certain nombre de thèmes de réflexion qu’il me fallait reprendre à mon compte à l’intérieur de mon propre langage musical.
Les sous-titres des textes de M. Butor contribuèrent de manière déterminante à orienter mes choix; des mots comme approche, attente, accord, attaque, reprise sont par eux-mêmes infiniment riches d’implications musicales et condensent un ensemble de questions essentielles qu’un compositeur est constamment amené à se poser. D’autres, comme sérénade, aria, fugue, aubade, hymne, ténèbres ou sarabande appellent à faire le point sur certains aspects ou vestiges de notre héritage; ce qui m’a incité à glisser dans certaines séquences des allusions voilées à Mozart, Bach, Schubert ou Marin-Marais. Toutefois, ces termes débordent toute appartenance à une catégorie artistique restrictive. Dès lors, il devient particulièrement intéressant d’observer les ramifications qu’ils connaitront tour à tour dans les champs poétique et graphique, et de creuser à la fois les principes de liaison et les écarts qui ne manqueront pas de survenir lorsqu’ils seront explorés à l’intérieur d’un autre champ d’investigation, en l’occurence, le musical.
Par ailleurs, l’adage de Stravinsky selon lequel la musique, c’est d’abord de la calligraphie, ne m’a pas quitté tandis que je m’imprégnais des planches de R. Druet. Il me semblait nécessaire que ses gestes graphiques pénètrent dans certaines zones de mes partitions et constituent des sortes d’extensions de mes notations, qui amplifieraient par exemple les propriétés visuelles que l’on peut trouver dans les signes d’ornement propres aux musiques baroques.
A cet effet, je lui ai soumis un ensemble de figures graphiques extraites de ce que l’on appelle les « tables d’ornements » chez Couperin, Bach ou Frescobaldi, afin qu’il en développe certaines dans une intention strictement plastique; par la suite, il était convenu que je les réintroduirais dans le corps de la partition, en tant qu’ornements imaginaires destinés à stimuler le jeu des musiciens et à les éloigner momentanément des notations précisément fixées. Ainsi, nos espaces respectifs pourraient commencer à interférer de manière effective, de même que certains mots de M.Butor avaient agi comme de véritables catalyseurs pour le vocabulaire musical de ce qui est devenu une suite de mouvements pour quatuor à cordes.