Hong-Kong Variations (89)

flûte, clarinette, saxophone, tuba, violon, violoncelle, contrebasse (20′) -Ed. Tonos
Intervalles, Musicora, avril 1989

Pour un compositeur, la peinture d’Olivier Debré peut représenter une source privilégiée de réflexion, car elle est largement fondée sur les questions de la temporalité et sur les principes de la variation. Vouloir opérer un transfert d’un mode d’expression à un autre me semblerait toutefois simpliste et redondant; chaque domaine d’activité doit en effet conserver sa pleine autonomie, même si des répercussions entre les disciplines artistiques permettent d’échapper au dualisme du temps et de l’espace, qui a si longtemps pesé sur l’analyse académique de l’histoire de l’art.
Pour cette oeuvre, je me suis tout d’abord imprégné de quinze toiles qu’ Olivier Debré avait réalisées en liaison avec la réalisation du rideau de scène de l’opéra de Hong-Kong, en 1989. J’ai choisi de multiplier les itinéraires de parcours de l’une à l’autre, évaluant leurs intervalles de rythme, de couleur et de matière, vivant un moment d’observation visuelle aussi intense que possible, mais sans chercher à ce que s’instaure une quelconque « traduction » musicale. Après avoir délibérément laissé un certain laps de temps s’écouler avant d’amorcer mon travail de composition, afin d’intérioriser ma perception de l’oeuvre d’Olivier Debré et d’écarter toute intention analogique, j’ai noté un ensemble de « gestes » instrumentaux independants, surgis aussi instantanément que possible. Puis j’ai conçu, à partir d’eux, toutes sortes de transitions, de développements; à chaque variation correspond un mode d’exploration spécifique d’un même matériau de base, lié à une approche particulière de la durée et de sa transcription par le biais de la notation, elle-même plus ou moins flexible ou déterminée
Associé à un montage de diapositives présentant les étapes successives de l’élaboration du rideau de scène, l’enregistrement de cette oeuvre, commandée par la Fondation Louis Vuitton, fut diffusé lors du salon Musicora à Paris, en avril 1989, dans un petit auditorium conçu pour la circonstance et situé à proximité d’un espace où étaient exposées les quinze toiles préparatoires du rideau de Hong-Kong.
A travers cette partition, j’ai donc souhaité esquisser une sorte de portrait musical d’Olivier Debré, comme j’ai choisi de le faire pour quelques autres peintres dont la demarche m’a tout particulièrement stimulé, notamment Albert Ayme, Jiri Kolar, Geneviève Asse. Le dialogue que je poursuis depuis plusieurs années avec des plasticiens se concrétise en effet soit sous la forme de collaborations aboutissant généralement à des livres-partitions (avec Aldo Mondino, Gaston Planet, Tom Phillips, Félix Rozen, Jan Voss, Pierre Alechinsky), soit sous la forme de semblables hommages où je tente de reprendre à mon compte des indices de création susceptibles de m’interroger, de me désorienter des techniques de composition auxquelles j’ai pu recourir jusqu’alors pour m’amener à explorer des territoires inattendus et ouverts.
A l’occasion de chaque échange avec un peintre j’ai en tout cas toujours tenu à ce que soient reposés les termes d’une stratégie capablé d’induire quelque projet commun ou réalisation particulière, car il me semble bien que confronter deux modes de pensée aussi spécifiques doit demeurer un défi, témoigner d’un mouvement de tension qui écarte d’emblée les évidences trompeuses.